Halving, le prix du bitcoin est-il condamné à exploser ?
Short answer : Oui
Long answer : Non
Ce court article est une réponse à l’actualité du 19 avril, le fameux halving du bitcoin qui fera passer la récompense du mining de 6.25 BTC à 3.125 BTC par bloc.
Why le halving ?
Le halving est une des features les plus importantes du bitcoin car c’est la propriété mathématique qui permet à cette crypto-monnaie d’avoir une supply finie garantie. En divisant par deux le rythme de production tous les 4 ans, le bitcoin se comporte plus comme une matière première dont la quantité maximale est finie et dont la capacité d’extraction du sol est de plus en plus compliquée (c’est grosso modo ce qui se passe dans la vraie vie modulo l’innovation technique).
Le protocole Bitcoin offre produit de moins en moins de BTC pour ses fidèles participants. Et le prix du BTC augmente systématiquement après chaque halving. Est-ce soutenable à long terme ? Quelles sont les dynamiques énergétiques en jeu ? Voyons voir cela à travers le prisme d’un des articles les plus intéressants que j’ai lu sur le sujet : Bitcoin is not a Store-of-Value (2022)
Une démonstration simple et logique
L’article précédent fut fortement décrié par les commentaires HackerNews car il avait pour conclusion que le bitcoin ne pouvait que s’effondrer sur lui-même à long terme, chose que ne peuvent accepter les fanatiques du Bitcoin. Reprenons les choses doucement :
Disons que le halving arrive chaque mois et que la quantité de BTC miné par bloc est de 4096 BTC le 1er janvier. Par conséquent, le 1er février, on passe à 2048 BTC par bloc et ainsi de suite jusqu’au 1er janvier suivant où on a 1 BTC par bloc (par 10 minutes).
Ici également, la quantité de BTC totale qui sera produite est finie, par application simple de la somme des éléments d’une suite géométrique. Nous retrouvons la caractéristique fondamentale du Bitcoin.
Pour sécuriser le réseau Bitcoin, les miners doivent produire suffisamment d’une quantité physique difficilement duplicable. Disons de l’énergie dans le cas du proof of work pour le Bitcoin. Une dépense importante d’énergie des mineurs sur des blocs consécutifs rend difficile les attaques sur la durée de vie de ces blocs.
En effet, pour qu’un attaquant puisse prendre le contrôle temporaire du Bitcoin (disons durant 6 blocs, soit la durée généralement conseillée pour attendre la confirmation finale d’une transaction à valeur moyenne), cet attaquant doit déployer suffisamment d’énergie pendant ces 6 blocs (une heure) de manière cachée pour battre la majorité des miners et publier sa chaîne concurrente.
Si par exemple on estime que pour une transaction à moins de $1000, il faut attendre au moins 6 blocs, alors cela signifie que toute attaque sur le réseau doit coûter à l’assaillant moins de $1000 en énergie pour que cela soit rentable pour lui. Dépenser $1000 en énergie pour escroquer un commerçant de moins $1000 n’a aucun intérêt économique.
En gardant en tête ces chiffres hypothétiques, cela signifie qu’il faut que le réseau Bitcoin déploie en moyenne plus de $1000 d’énergie pour sécuriser chaque suite consécutive de 6 blocs. Et pour rentrer dans leur frais, les miners doivent récupérer ces $1000 d’énergie (électrique) en vendant les bitcoins minés par les 6 blocs.
Certes, le mining n’est pas réparti sur tous les miners car c’est un processus aléatoire, mais en moyenne, tous les miners doivent trouver leur compte et si ce n’est pas le cas, ils font tout simplement faillite. De toute les manières, la plupart des miners travaillent dans des pools où les récompenses sont partagées.
Notre équation pour le premier mois est simple : nous produisons sur 6 blocs consécutifs 4096 BTC * 6 et cette matière première doit être supérieure à $1000 à la revente.
4096 BTC * 6 blocs > $1000
Le prix du BTC doit donc être supérieur à $0.04. (1000/(4096*6))
Si le prix du BTC est en dessous de ce seuil, les mineurs doivent dépenser en moyenne moins d’énergie pour rentrer dans leur frais. Et moins de dépenses d’énergie rendent le réseau moins sécurisé. Toutefois, nous avons ici un prix attractif qui permet d’attirer les nouveaux arrivants et donc de perpétuer le système.
Que se passe-t-il un an plus tard ?
Au bout d’un an, la quantité de BTC produite est de 1 BTC par bloc. L’équation devient :
1 BTC * 6 > $1000 soit un prix du BTC qui doit être supérieur $166.
Si ce prix n’est pas atteint, les mineurs ne peuvent pas dépenser $1000 d’énergie. Disons qu’ils ne peuvent dépenser que $500. Par conséquent, tous les utilisateurs de bitcoin qui veulent utiliser le réseau pour des transactions de $1000 doivent cette fois-ci attendre 12 blocs et non 6 blocs pour être sûrs de ne pas se faire avoir par une attaque double-spend. 6 blocs ne pourront théoriquement protéger que les transactions de moins de $500.
Le réseau est de moins en moins pratique et ses utilisateurs doivent se tourner vers des protocoles L2 plus centralisés comme le lightning.
Plus le temps passe et plus le prix du bitcoin doit augmenter. C’est une mécanique implacable qui est là pour protéger le réseau et rémunérer ses acteurs. Lorsque le prix baisse, il n’y a plus assez de valeur à se partager et les miners les moins performants débranchent leurs infrastructures automatiquement.
Mais alors, quel avenir pour le Bitcoin ?
Le Bitcoin est-il condamné ? Pas forcément, si le prix du BTC n’augmente pas exponentiellement, quelque chose d’autre doit pouvoir compenser cette baisse afin d’assouvir l’appétit insatiable du proof of work. Ce sont nécessairement les fees, frais de transaction ponctionnés à chaque utilisation du réseau. Mais là encore, les frais de transactions rendent le réseau plus cher à utiliser et moins intéressant en L1 (l’impact des frais de transaction sur le réseau L2 est beaucoup plus faible).
Eh oui, il faut bien que quelqu’un paye pour que le réseau Bitcoin continue de tourner… et aujourd’hui, à la manière des schémas pyramidaux, ce sont les nouveaux entrants dans le réseau Bitcoin qui subventionnent son fonctionnement. Les BTCs nouvellement créés sont injectés rapidement sur le marché (car les miners ont des factures à payer) et achetés au cours actuel.
Moins de BTCs injectés, c’est moins d’argent frais pour les miners à prix constant et donc la nécessité d’une capitalisation (directement proportionnelle au prix du BTC car la supply est quasi constante) toujours plus élevée. CQFD.
Le Bitcoin est donc par définition condamné à, ou bien voir son prix exploser, ou bien à s’arrêter par manque de sécurité. Le blogger 0xStacker explique cela parfaitement donc son article en donnant l’image suivante : bitcoin is an open system that leaks value. Ce leakage est exactement la quantité d’énergie nécessaire pour le maintenir en vie. Si le réseau bitcoin ne trouve pas des usages massifs rapidement qui pourront driver son prix à la hausse ou augmenter l’acceptation de frais de transactions importants, alors il est condamné à long terme.
Est-ce grave docteur ?
Non et pour plusieurs raisons :
- Le halving opère tous les 4 ans ce qui fait que le long terme dont nous parlons se compte en dizaines d’années. Le petit crypto-boursicoteur qui se cache en vous a encore de beaux jours de trading devant lui
- La quantité d’argent frais en énergie qui doit rentrer chaque année a été calculée par 0xStacker (de manière assez simple en divisant la quantité d’énergie consommée par le bitcoin par le prix de l’énergie) et cela donne $7.5B annuellement. Comparé à la capitalisation du Bitcoin, le pourcentage est faible ce qui fait que le poids de la sécurité du bitcoin sur les nouveaux arrivants est plutôt faible. C’est un schéma pyramidal de pente très douce dont on ne sentira pas de sitôt les effets
- Beaucoup de gens ont investi de gros montants en BTC et se démènent pour maintenir une fièvre populaire qui alimente le réseau en argent frais. Ces gens-là ont des enjeux qui dépassent les bas de laine de l’épargnant moyen ce qui prouve qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter… pour l’instant
- La loi de Moore permet l’augmentation des performances des composants de minage de Bitcoin ce qui fait qu’à énergie constante (donc coûts constants, modulo la diminution des coûts de l’énergie CF photovoltaique), un miner peut produire plus de calcul pour sécuriser la blockchain. La loi de Moore n’est pas aussi abrupte qu’un halving car l’amélioration technologique se fait par petit saut tout au long des 4 ans entre deux halvings. De plus, si la loi de Moore était strictement respectée (x2 d’augmentation en capacité de calcul chaque 2 ans), elle compenserait largement le halving par un facteur 2. Mais la loi de Moore était-elle éternelle ?
- Le raisonnement déployé est fait pour démontrer un phénomène asymptotique (la condamnation du Bitcoin). En pratique, le Bitcoin est une machine en évolution de part ses développeurs, sa communauté et son interaction avec les legislateurs mondiaux. Le protocole aura le temps de s’adapter si le minage n’est plus rentable (probablement par une combinaison d’augmentation des frais de transaction, de démocratisation des systèmes L2 et d’augmentation du temps de confirmation)
La morale de l’histoire
Le Bitcoin est un formidable prototype de crypto-monnaie décentralisée inattaquable en raison de son protocole adossé au calcul. Et la quantité de calcul est le résultat d’un équilibre dynamique complexe entre principalement l’énergie (à travers les prix et la disponibilité de l’énergie) mais également aux performances des composants qui produisent le calcul. Mais, sauf à ce que le Bitcoin se tourne vers un protocole moins leaky comme le proof of stake, ou que le coût de calcul ne diminue de manière régulière en suivant une semi-loi de Moore ou que son usage ne connaisse une méga adoption ultra-massive sécurisant son avenir, cette même protection pourrait se retourner contre le réseau à très long terme. À vous de voir.